L'inscription de l'IVG dans la Constitution a franchi mercredi son étape la plus délicate au Parlement avec le vote largement favorable du Sénat, évacuant les derniers doutes entourant l'adoption définitive de cette réforme lors d'un Congrès à Versailles convoqué dès lundi.
Malgré les réticences de certains sénateurs de la droite et du centre, majoritaires à la chambre haute, l'hémicycle s'est prononcé en faveur d'une "liberté garantie" à l'interruption volontaire de grossesse, sans modifier le texte du gouvernement.
Le président de la République Emmanuel Macron a immédiatement convoqué le Congrès des deux chambres du Parlement lundi 4 mars, saluant "un pas décisif" après le vote du Sénat.
La révision constitutionnelle, déjà adoptée à une écrasante majorité par l'Assemblée nationale, a reçu le soutien de 267 voix contre 50 au Palais du Luxembourg, après plus de trois heures de discussions parfois agitées dans cet hémicycle habituellement très apaisé.
"Le Sénat a écrit une nouvelle page du droit des femmes", a savouré le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti, assurant que la France sera "le premier pays au monde" à protéger l'avortement dans son texte fondamental.
Ce vote sans appel a été accueilli par une explosion de joie dans les rangs de la gauche et des représentantes d'associations de défense des droits des femmes venues assister au débat. Larmes et applaudissements ont retenti à la sortie de l'hémicycle durant plusieurs minutes.
Le long chemin vers la constitutionnalisation, plébiscitée par l'opinion publique, va désormais pouvoir aboutir au Congrès lundi. Une majorité des trois cinquièmes sera nécessaire dans la prestigieuse salle du Congrès du château de Versailles pour une adoption définitive, mais elle ne fait aucun doute au vu des votes successifs des deux Assemblées.
Face à la remise en cause du droit à l'avortement aux Etats-Unis et dans certains pays d'Europe, l'exécutif avait fait de cette réforme l'une de ses priorités, aboutissant à un texte de compromis malgré son absence de majorité dans les deux chambres.
Débat sémantique
Au Sénat, les trois chefs de la majorité sénatoriale - le président du Sénat Gérard Larcher, le président du groupe Les Républicains Bruno Retailleau et celui du groupe centriste Hervé Marseille - étaient opposés à la réforme.
"J'ai toujours un doute sur les effets de la qualification de liberté garantie", a regretté l'influent président LR de la Commission des Lois François-Noël Bufet, qui s'est lui abstenu. "Une garantie, c'est une obligation. Notre crainte, c'est qu'une jurisprudence créative puisse créer un droit opposable", a redouté le chef de file LR Bruno Retailleau.
Mais l'amendement de suppression du mot "garantie" a finalement été rejeté à plus de 100 voix d'écart, tout comme une autre proposition visant à inscrire dans la Constitution la clause de conscience des professionnels de santé autorisés à refuser de pratiquer une IVG.
De l'aveu général au Sénat, la mobilisation constante des associations et des parlementaires engagés pour la réforme, comme la pression exercée parfois par l'entourage familial, ont fait basculer certains élus dans le camp du "pour". Plus de 70 sénateurs LR ont ainsi soutenu le texte, alors qu'ils n'étaient que 16 lors d'un précédent vote sur le sujet en février 2023.
Plusieurs rassemblements pro- et anti-constitutionnalisation ont d'ailleurs eu lieu mercredi aux alentours du Sénat, regroupant une centaine de personnes.
L'inscription de l'IVG dans une Constitution est unique ou presque dans le monde, même si la Slovénie y fait indirectement référence dans son texte suprême, comme l'ex-Yougoslavie au XXe siècle.
La Rédaction (avec AFP)